Textes liturgiques :
- Première lecture : Apocalypse 7, 9-14 ;
- Evangile : Jn 12, 24-28.
Excellence Monsieur le Président de la République et Madame,
Excellence Monseigneur Victor ABAGNA MOSSA, évêque d’Owando,
Chère maman Marie Claire DIRAT,
Chers membres des familles NGUESSO, DIRAT ET BONGO,
Mesdames, messieurs,
Distingués invités,
Chers frères et sœurs,
La Bible catholique est composée de 73 livres, dont 46 dans l’Ancien Testament et 27 dans le Nouveau Testament. Et le plus court verset de ces livres déclare : « Et Jésus pleura » (Jn 11, 35) ; c’était au deuil de son ami Lazare. Bien que Fils de Dieu, Jésus était vrai homme, avec des sentiments humains. Car c’est humain que de savoir compatir au sens latin de « cum qui signifie avec » et « patire qui signifie souffrir », c’est-a-dire souffrir avec. Cela va sans dire que Jésus a compati à la souffrance de Marie et Marthe en pleurant pour son ami Lazare. Etre Chrétien signifie, entre autres, être humain, savoir compatir et pleurer avec ceux qui pleurent. Ce qui nous fait dire que la foi catholique est très humaine et compatissante. Elle accorde une attention particulière aux deux moments difficiles du destin de l’homme : la maladie et la mort. L’année liturgique consacre non seulement une solennité à tous les saints chaque 1er novembre, mais aussi une évocation de tous les fidèles défunts chaque 2 novembre.
Comme nous le savons, la compassion de l’Eglise est profondément affirmée dans la liturgie d’une messe des funérailles. Au cours de celle-ci, l’Eglise recommande le défunt à la miséricorde de Dieu. Ne pouvant pas programmer cette miséricorde, la foi de l’Eglise encourage cet exercice spirituel autant que possible. Un anniversaire de décès, par exemple, fait partie des occasions indiquées pour l’invoquer, une fois de plus. Une rubrique spéciale est réservée à la prière d’intercession en faveur de tous les fidèles défunts dans chaque célébration eucharistique ; c’est ce qu’on appelle en latin « pro defunctis » à l’instar de celle-ci : « Souviens-toi Seigneur de nos frères et sœurs qui se sont endormis dans l’espérance de la résurrection, et de tous les hommes qui ont quitté cette vie : reçois-les dans ta lumière, auprès de toi » (Prière eucharistique II). Cette catéchèse sur la foi de l’Eglise en la matière devrait nous aider à vivre la célébration eucharistique de ce jour conformément à la portée spirituelle qui est la sienne.
Excellences,
Chers frères et sœurs,
Il y a dix ans, une triste nouvelle retentissait concomitamment à Rabat, à Libreville, à Brazzaville, à Oyo, à Edou et dans le monde entier annonçant le rappel à Dieu de Madame Edith Lucie BONGO ONDIMBA. Cela suscita diverses réactions dans l’opinion. L’événement paraissait en effet invraisemblable pour certains que la fille d’un chef d’Etat et de surcroît épouse d’un autre chef d’Etat, tous deux en fonction, connaisse une fin tragique à fleur de l’âge, à 45 ans à peine. D’autres par contre, les plus nombreux d’ailleurs, sont ceux-là qui ont accueilli cette nouvelle avec des pleurs, avec amertume et compassion ainsi qu’avec des prières pour le repos de l’âme de l’illustre disparue.
De plus, ce drame est advenu après trois bonnes années d’une dure et pénible maladie ; des années au cours desquelles Madame Edith Lucie BONGO ONDIMBA a fait preuve de foi et d’espérance en Dieu son Créateur et en Jésus son Sauveur. Ces trois années d’épreuve demeurent inoubliables pour le Président Denis SASSOU NGUESSO et maman Antoinette ainsi que pour maman Marie Claire DIRAT, pour Yacine Queenie et Omar Denis Junior, ses enfants, sans oublier toute la famille biologique, les parents, les amis et connaissances. Il y eut un soir, il y eut un matin! Le séjour de Madame Edith Lucie BONGO ONDIMBA a pris fin sur la terre des hommes le 14 mars 2009.
Excellences,
Chers frères et sœurs,
Dans l’évangile de ce jour, Jésus annonce sa propre mort à travers la parabole du grain de blé tombé en terre. Il anticipe par ce fait l’action des hommes qui se prévalent de l’avoir tué ; non, il s’est offert lui-même. Cette image agricole résume donc le mystère de notre foi. Aussi petit qu’il soit, le grain de blé porte en lui la vie. D’une longueur de 7 à 9 mm, d’une largeur de 3 à 4 mm, d’une épaisseur de 4 à 5 mm et d’un poids de 30 à 50 mg, le grain de blé porte en son sein la possibilité de devenir du pain. Fils de Dieu descendu du ciel, Jésus Christ portait en lui la vie éternelle comme il l’affirme lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14,6). En Jésus et en Jésus seul, nous sommes dorénavant arrachés à la mort au péché pour la vie éternelle.
Dans cette optique, la relation entre la semence du grain de blé et le fruit présage le mystère de sa mort et de sa résurrection. En fait, le gain de blé tombé en terre ne meurt pas ; il est transformé selon les lois de la nature pour produire du fruit en abondance. Ce processus, c’est le martyr de la croix que Jésus va subir pour le salut du monde. Si la transformation du grain de blé sous terre reste invisible, l’épreuve de la croix par contre advint devant témoins. Ce qui revient à dire que le grain de blé produit du blé alors que de la mort et la résurrection de Jésus découle la rédemption de l’homme et du monde.
Par ailleurs, la beauté du fruit de la croix est liée à l’origine divine de Jésus, à son incarnation en Marie, sa Mère et notre Mère, à son ministère public, et partant, à sa fidélité à la volonté de son Père. Le fruit qu’il donne est par conséquent le résultat d’une œuvre humaine et divine, et non magique. Et ce fruit, c’est l’Eglise, le nouveau peuple de Dieu. Ainsi donc, le fruit du grain de blé est appelé à tomber en terre à son tour pour la continuation de l’espèce. Ce qui fait que l’Eglise a la mission de faire des disciples les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit (Mt 28,19). Une autre parabole, celle du semeur, nous renseigne toutefois sur les différents types de sols favorables ou non au grain qui y tombe. Du grain peut tomber au bord du chemin, sur un terrain rocheux, dans les épines ou sur la bonne terre (Mc 4,1-20). Il eut un soir, il eut un matin ! Le grain de blé tombé en terre le Vendredi Saint ressuscitera le jour de Pâques pour donner du bon fruit le jour de Pentecôte : ainsi naissait l’Eglise du Christ.
Excellences,
Chers frères et sœurs,
Le devoir de mémoire s’impose à nous pour revisiter la personnalité de Madame Edith Lucie BONGO ONDIMBA, dix ans après sa mort, à la lumière de la parabole du grain de blé. Par sa grandeur d’âme, plus que par tout ce que la vie lui a apporté sur le plan matériel, elle entre définitivement dans l’histoire comme une « Grande Dame ». Tous ceux qui l’ont côtoyée de près ou de loin sont unanimes sur ce point. Sa fortune n’était donc pas que matérielle, mais spirituelle avant tout. Mère parmi les mères comme toutes les mères, elle a non seulement donné la vie, mais également donné de son temps et de son amour à ses enfants. A cette vertu s’ajoutent son incontestable humilité et sa modestie. En outre, sa double veste de fille et épouse de chef d’Etat n’a nullement conditionné la simplicité de sa relation avec le prochain. Sa générosité faisait d’elle l’amie, la mère, la sœur ou la voisine que chaque personne pouvait affectionner.
Ses œuvres de charité dépassaient le niveau strictement familial pour s’étendre au niveau social. La clinique El Rapha au Gabon, dont le nom renvoie à l’archange Raphaël qui a pour mission de guérir, son implication dans l’Organisation des Premières Dames d’Afrique contre le Sida (OPDAS) et la Fondation Horizons Nouveaux en disent long. Son intelligence et sa culture la plaçaient parmi les meilleurs cadres de sa génération. Médecin parmi les médecins, elle avait conscience que « le médecin soigne, mais c’est Dieu qui guérit ». Sa beauté et son élégance ont favorisé l’admiration de ceux qui l’ont connue. Son courage et son sens de l’engagement ont fait d’elle une personne à qui deux chefs d’Etat, notamment son père, le Président Denis SASSOU NGUESSO et son époux feu Président Omar BONGO ONDIMBA, pouvaient se référer devant des questions sensibles. Sa foi et son identité chrétienne se matérialisent aujourd’hui dans ce qui fera à jamais la fierté de la communauté chrétienne catholique d’Oyo et de tout le diocèse d’Owando ainsi que la joie de la Commune d’Oyo et de tout le Département de la Cuvette, c’est-à-dire la nouvelle église Notre-Dame de l’Assomption d’Oyo. Rappelons que la consécration de cette église, le 10 mars 2019, a coïncidé avec l’anniversaire de naissance de Madame Edith Lucie BONGO ONDIMBA, qui aurait eu 55 ans ce jour.
Le devoir de gratitude nous invite par ailleurs à rendre sincèrement grâce à Dieu pour le don de la vie de Madame Edith Lucie BONGO ONDIMBA. « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, béni soit le nom du Seigneur » (Job 1,21). Dans cette optique, bénissons le Seigneur pour son témoignage qui est tout un testament, une leçon de vie et une source d’inspiration. Dans un cimetière de la ville de Toronto (Canada), il nous est arrivé de lire le message suivant : « the memory of a loved one is a treasure », ce qui signifie « la mémoire d’un être cher est un trésor ». En d’autres termes, c’est le trésor de la mémoire de Madame Edith Lucie BONGO ONDIMBA qui a inspiré l’œuvre sociale, notamment l’hôpital général spécialisé d’Oyo qui porte son nom et l’œuvre spirituelle, la nouvelle église Notre-Dame de l’Assomption d’Oyo. Ce trésor reste à n’en point douter un repère incontournable et un socle de communion, de fraternité, de tolérance, de pardon et d’humilité pour les familles NGUESSO, DIRAT et BONGO.
Excellences,
Chers frères et sœurs,
Voici dix ans que la date du 14 mars rassemble les chrétiens catholiques du diocèse d’Owando et d’ailleurs autour de l’eucharistie. Voici dix ans que les non-catholiques, les fidèles d’autres religions, les non-croyants sans oublier les acteurs politiques dans leur diversité se réunissent autour de la mémoire de la Première Dame du Gabon. Voici dix ans que les familles NGUESSO, DIRAT et BONGO se retrouvent autour de la vie et l’œuvre de Madame Edith Lucie Bongo ONDIMBA pour écouter la Parole de Dieu. Voici dix ans que les parents, les amis, les collègues et connaissances du Congo, du Gabon et d’ailleurs font le pèlerinage d’Edou pour célébrer le testament de vie de celle qui a exercé sa profession de médecin avec amour et abnégation. « C’est là l’œuvre du Seigneur, une merveille sous nos yeux » (Mc 12,11), car l’assemblée eucharistique est toujours une réponse à la convocation de Dieu lui-même. Tel est le fruit de l’humilité, de l’amour de Dieu et du prochain qui ont marqué la vie de l’illustre disparue. En effet, « l’humilité, disait Saint Jean Marie Vianney, est comme une balance : plus l’on s’abaisse d’un côté, et plus l’on est élevé de l’autre » ; et Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus d’ajouter : « L’humilité, c’est la vie vécue dans la vérité ». C’est notre mère du ciel, la Vierge Marie, qui nous l’enseigne de la manière la plus simple dans le Magnificat lorsqu’elle affirme : « il élève les humbles » (Lc 1,52).
Excellences,
Chers frères et sœurs,
On comprend bien qu’au-delà de la personne de Madame Edith Lucie BONGO ONDIMBA, ce sont les valeurs qu’elle a incarnées qui font sa grandeur. Autrement dit, les valeurs humaines, sociales et spirituelles font une « Grande Dame » ou un « Grand Monsieur » tandis que les antivaleurs font une « Petite Dame » ou un « Petit Monsieur ». Le choix est nôtre ! Oui, des valeurs, parlons-en, Monsieur le Président, vu l’ampleur de la question sur les antivaleurs dans vos discours, dans l’enseignement de nos Pères-évêques et dans notre société. Ce discours sur les antivaleurs, il faut le dire, est une forme d’encouragement envers ceux et celles qui incarnent les valeurs au quotidien. Etant donné que c’est le témoignage de vie d’une compatriote qui nous rassemble aujourd’hui, osons croire, Monsieur le Président, qu’il y a dans ce pays des compatriotes qui font des valeurs morales et spirituelles le credo de leur vie. On les trouve dans nos familles, dans nos communautés paroissiales, dans toutes les institutions de la République et dans la société. Ce sont des héros dans l’ombre, souvent incompris ou accusés de traitres parce que honnêtes et sincères vis-à-vis des valeurs évangéliques dont Jésus Christ est le Maître. Que ces derniers trouvent dans la célébration de ce jour une motivation à persévérer dans la vision qui est la leur ! Que ces compatriotes, ces frères et sœurs épris des valeurs, sachent qu’ils auront toujours une longueur d’avance prophétique sur les autres ! Qu’ils se souviennent aussi qu’ils sont sur le bon chemin avec Jésus Christ qui est la vérité par excellence qui conduit à la vie éternelle ! De ce qui précède, disons que les valeurs portent en elles une vision de la Jérusalem céleste, comme nous l’avons écouté dans la première lecture. Ainsi donc, une vie sans vision est comparable à un présent sans un avenir qui le motive, à une mélodie sans harmonie, à une terre sans ciel, à un corps sans esprit, à une Eglise sans le Saint-Esprit, à une foi sans espérance, à un salut sans Jésus Christ.
En raison de notre humanité pècheresse, il nous est impossible d’être parfaits dans ce monde, mais nous pouvons y tendre à chaque instant de la vie, en mettant en pratique les valeurs du ciel. En chacun de nous en effet, Dieu a semé un grain d’humilité, de générosité, de compassion, de sincérité, de courage, de fraternité et de vérité à fructifier au service de la famille, de la communauté chrétienne et de la société en Jésus Christ mort et ressuscité. La célébration de ce jour signifie que les valeurs rassemblent dans la mesure où les antivaleurs ne peuvent pas faire l’objet d’une célébration eucharistique. Comme les valeurs rassemblent, les antivaleurs par contre séparent les hommes, divisent les familles, minent l’Eglise et la société. Construisons pour cela des autels pour célébrer l’eucharistie, la valeur divine de notre salut, et creusons des tombes pour enterrer les antivaleurs ! Nous invitons ceux qui résistent encore à se lancer sur le chemin des valeurs, à méditer l’exhortation de Madame Edith BONGO ONDIMBA dans son agonie : « Bobanga Nzambe » ! Les valeurs, il faut le dire, Monsieur le Président, sont source d’unité et de bénédiction pour une famille, pour une Eglise locale et pour une société ; elles constituent également des fondements sans lesquels tout développement n’est qu’une illusion. Heureux les femmes et les hommes qui défendent les valeurs, car ils feront toujours la différence en Jésus Christ, la valeur divine par excellence ! Loin de toute stigmatisation, ceci est une invitation à nous souvenir de ce que chacun de nous est un grain de blé tombé en terre congolaise en vue de porter du fruit, et du fruit en abondance. Il y eut un soir, il y eut un matin ! C’est le dixième anniversaire du rappel à Dieu d’une « Grande Dame » qui, en termes de valeurs, demeurera à jamais une référence pour des générations entières.
Amen !